Comment rendre déductibles les intérêts payés sur une résidence principale ?
Vous connaissez déjà les différents outils pour piloter vos actifs de manière avantageuse sur le plan fiscal. On pense bien sûr aux compte REER, CELI, CELIAPP, REEE, REEI, etc.
Du côté immobilier, votre résidence principale bénéficie en général d’une exonération d’impôt sur le gain en capital lors de sa vente ou de sa disposition. Ce « cadeau » de l’Agence du Revenu et de Revenu Québec est synonyme de grandes économies, surtout si vous avez détenu cette propriété pendant de nombreuses années ou que son prix sur le marché a fortement augmenté.
Ce que vous ignorez peut-être, c’est que les intérêts payés sur le prêt hypothécaire relié à votre résidence principale ne sont pas déductibles. Cela veut dire qu’ils ne peuvent pas être soustraits à l’encontre de vos revenus en tant que particulier. Il existe en effet une manière de rendre ces mêmes intérêts déductibles en effectuant quelques ajustements.
La manœuvre de Smith
La manœuvre de Smith est une stratégie financière développée au Canada par Fraser Smith dans les années 1980. Elle vise à rendre les intérêts hypothécaires déductibles d’impôts en convertissant une hypothèque résidentielle non-déductible en une dette d’investissement déductible.
Pour éviter de naviguer à vue et bien comprendre cette manœuvre, prenons l’exemple fictif de Jacques.
Jacque possède le bilan suivant :
Bilan PRÉ-TRANSACTION
REER | 600 000 $ |
CELI | 95 000 $ |
Compte non-enregistré | 400 000 $ |
Résidence principale | 700 000 $ |
Hypothèque > 5% d’intérêt > Amortissement 10 ans avec la Banque ABC | 300 000 $ |
2- CELI : Compte d’Épargne Libre d’Impôt
3- CELIAPP : Compte d’Épargne Libre d’Impôt pour l’Achat d’un Première Propriété
4- REEE : Régime Enregistré d’Épargne-Études
5- REEI : Régime Enregistré d’Épargne Invalidité
6- https://www.canada.ca/fr/agence-revenu/services/impot/particuliers/sujets/tout-votre-declaration-revenus/declaration-revenus/remplir-declaration-revenus/revenu-personnel/ligne-12700-gains-capital/residence-principale-biens-immobiliers/est-residence-principale.html
Quelles sont les étapes de la manœuvre ?
Étape 1 : Utiliser les placements non-enregistrés pour rembourser en entier le prêt hypothécaire de 300 000 $ sur la résidence principale. Au terme de cette étape, le solde hypothécaire sera de 0 $.
Étape 2 : Le lendemain, contracter un nouveau prêt avec la Banque ABC, qui détient toujours une hypothèque sur la résidence principale, d’un montant équivalent (300 000 $) et des conditions similaires (5 % d’intérêt et amortissement sur 10 ans). La Banque déboursera ainsi le nouveau prêt dans le compte bancaire de Jacques.
Étape 3 : À partir du compte bancaire de Jacques, réinvestir le montant de 300 000 $ dans le compte de placements non-enregistrés.
Bilan POST-TRANSACTION
REER | 600 000 $ |
CELI | 95 000 $ |
Compte non-enregistré | 400 000 $ |
Résidence principale | 700 000 $ |
Hypothèque > 5% d’intérêt > Amortissement 10 ans avec la Banque ABC | 300 000 $ |
Comme vous pouvez le voir, le bilan Pré et Post transaction est identique. La différence est qu’en procédant à cette stratégie, Jacques peut désormais déduire la charge d’intérêts de son prêt hypothécaire lié à sa propriété à l’encontre de ses revenus personnels.
On peut estimer grossièrement que les intérêts payés sur le prêt, autant avant qu’après la transaction, représentent environ 15 000 $ annuellement, ce qui résulte en une économie d’impôt de 5 250 $ la première année, en considérant un taux marginal d’imposition de 35 %
Il faut comprendre ici que Jacques n’emprunte plus pour financer sa résidence principale (déjà fiscalement avantagée par l’exonération du gain en capital) mais bien pour investir dans ses placements non-enregistrés dans le but de tirer un revenu.
Cette différence est cruciale et c’est ce qui lui permet d’optimiser sa situation fiscale, tout en respectant les obligations légales et réglementaires.
Il faut savoir que plusieurs variables peuvent influencer les avantages qui découlent de cette stratégie, comme par exemple la détention conjointe de la propriété, la nécessité d’utiliser des placements non-enregistrés, ou encore la collaboration du prêteur, pour ne nommer que celles-là.
Pour bien piloter la manœuvre, les éléments suivants sont importants à considérer lors de la mise en place de cette stratégie :
- Modalités du nouveau prêt : Assurez-vous que les conditions du nouveau prêt soient relativement similaires ou plus avantageuses pour ne pas nuire à la stratégie. Certains prêteurs pourraient également imposer une pénalité pour remboursement anticipé de l’hypothèque.
- Effet de levier : Emprunter pour investir est beaucoup plus risqué qu’investir à partir de liquidités dont vous disposez. On parlera tout de même d’effet de levier dans une situation où on remplace une dette existante par une autre dette d’un montant similaire. Avant d’emprunter pour investir, consultez un conseiller fiscal pour savoir si le coût de vos intérêts sera déductible.
- Conformité légale : Il est crucial de s’assurer que toutes les structures et les transactions respectent les lois fiscales en vigueur, car des pratiques non conformes peuvent entraîner des sanctions fiscales.
- Risques et coûts : Comme avec toute stratégie financière, il est important de peser les risques et les coûts associés à la mise en œuvre de cette stratégie. Assurez-vous que les avantages fiscaux potentiels valent les efforts et les frais impliqués.
Vous l’aurez compris, la manœuvre de Smith est une stratégie de planification fiscale qui vise à rendre les intérêts sur certains prêts déductibles d’impôt. Il est important pour nous de déterminer avec chaque client sa destination financière pour ensuite éclairer la voie qui va y mener, tout au long de sa vie. Comme toute manœuvre, elle doit donc être utilisée avec précaution et sous la supervision d’un expert fiscal pour garantir sa conformité et son efficacité.
À vos côtés pour garder le cap !